23/06/2014

Une Tronculite sub-aiguë de la... quoi ??? (Part. II)

L'infirmière sourit trop pour être honnête mais elle veut sans doute être rassurante et c'est sympa de sa part. Nous entrons dans un vestiaire avec plein de pyjamas de toutes tailles et formes. J'ai beau vouloir faire un effort sur la longueur de ma colonne vertébrale, je ne peux tout de même pas m'enlever quelques vertèbres pour rentrer dans leurs vêtements. Déjà que ma réputation est sérieusement écornée avec cette histoire de haut-parleur, je ne vais pas en plus me balader avec une tunique en 14 ans !


Comment faire... Au bout de cinq minutes, la femme revient et, me découvrant en sous-vêtement, comprend qu'il va falloir trouver autre chose pour me vêtir. Elle cherche alors dans un placard affreusement pas rangé et en ressort une robe portefeuille à carreaux me rappelant la couverture de nos pique-niques familiaux dans les herbes de la Vallée des Merveilles. Trêve de nostalgie, nous avons déjà assez perdu de temps comme ça.
Enveloppée dans ma nappe, j'entre ensuite dans le premier cabinet pour m'entretenir avec l'infirmière. Seconde pensée chaleureuse pour l'investissement dans le dico électronique. Là, j'ai du montrer patte blanche et prouver que rien dans mes habitudes de vie ne justifiait ce que mon corps m'infligeait à l'heure actuelle. Non je ne fume pas, oui je bois du vin, je suis française et oui, c'est cliché. Régularité des cycles, dents de sagesse, quand, où, combien de temps , quand je dis quand c'est-à-dire quel jour, cancer dans votre famille....
Oui. Stop.
Vignes à Yoichi
Froncement de sourcils du personnel médical, rapidement effacé par un grand sourire toujours forcé, donc inquiétant. Mais c'est tellement sympa de sa part. Qui, où, quand ? Et alors que je m’attendais à devoir fournir le nom de jeune fille de ma mère et sa pointure, l'infirmière se lève et me conduit directement dans le cabinet du premier médecin.

Avoir un très beau docteur est toujours assez gênant, a fortiori lorsque celui-ci s'avère être votre gynéco ou dentiste. Et bien ici, aucun souci, je peux la jouer naturelle puisque le professionnel en charge de m'ausculter a l'air d'avoir eu le visage compressé entre deux portes d'ascenseur doublé d'un bain de bouche à la soude. Récapitulation du dossier, explications à base de jargon médical pas encore maîtrisé (pour ma part)...
Passons à table ! Je m'allonge et perds mon regard dans le vide loin, très loin pour faire place dans mon esprit. Penser à un truc cool...un truc beau... Arrivent dans mon champs de vision deux têtes d'infirmières, toujours souriantes. Ils sont alors trois au-dessus de l'objet d'étude.
Bon c'est bon, là ? Je vais pouvoir repartir ? Nooooon, nenni, Kurunsu !

Je vous passe l'heure et demie suivante rythmée principalement de fausses sessions de lecture (car impossible de me concentrer sur un magazine) pour me donner un soupçon de contenance. Seules viendront soulager mon impatience quelques visites éclairs intellectuellement éreintantes (car une expérience en salon d'esthétique m'apprendra que le doute sur le moindre terme peut avoir des répercussions désastreuses sur la suite des opérations).
Notons tout de même que bien qu'ayant un kimono d'hôpital totalement pas glamour, mes voisines me jettent des coup d’œils outrés.

Qu'ai-je encore fait... ?
Ne cherchez pas à comprendre.

Bien entraînée à l'appel improbable de mon nom, je suis sûre que ce n'est pas encore mon tour. Je me passe discrètement en revue, lorsque je m'aperçois que mon haut baille, laissant ainsi voir (et non entrevoir subtilement) l'objet de ma visite dans cette clinique. Ah tu n'as pas voulu t'habiller en 14 ans !? Très bien, tu auras un pyjama en …. XXL !
Oui, le seul capable de me vêtir décemment sans passer pour un personnage de hentai* cachait certes mon postérieur mais était beaucoup trop large ! Si bien qu'en m'asseyant,  les pans de tissu croisés s'affaissaient, découvrant ma gorge au grand jour (vous voyez le truc...?). Je tire dessus, me redresse... rien à faire, il me manque les épaulettes d'Albator pour rectifier tout ça. Tiens je vais aller me chercher un potage au maïs pour me détendre...

*Manga ou anime à caractère pornographique.

20/06/2014

Une Tronculite sub-aiguë de la... quoi ??? (Part. I)



          Mon corps a gentiment attendu que je sois bien loin de la France pour se déglinguer, au point de me faire franchir la porte d'une clinique japonaise pour y passer quelques examens. Si j'avais eu à subir cela en terrain connu et conquis dont je maîtrise parfaitement la langue, j'aurais déjà eu la frousse. Mais là, au Japon,  autant vous dire que je flippe à fond les binettes.

Descente de nagashi sômen
    J'entre donc à 09h08 dans un bâtiment tout blanc. Tout d'abord dès le premier tapis on vous demande de retirer vos chaussures (oui comme à la piscine) et de les déposer dans un casier numéroté. Je cherche mon chiffre porte-bonheur.... Zut il est déjà pris. Non pas que je sois superstitieuse, mais dans ces moments-là, mon cerveau est extrêmement perméable et je crois tout signe du destin, plus particulièrement lorsque celui-ci est de mauvaise augure.
J'arrive à l'accueil et présente ma carte de résidente (le sésame) et mon attestation d'assurance en tâchant de garder mon intégrité, droite dans mes savates en pilou d'un blanc immaculé.
 "-えええっとー…少々待ちください." (aloooors... Veuillez patienter un petit moment, svp)
Non. Pas encore. Surtout pas aujourd'hui...

Donc j'attends. On me fait asseoir. Au bout de dix minutes la secrétaire vient me

Le Monop' du coin...
voir et me fait comprendre avec force tournures alambiquées (parce que trèèès polie), qu'ils ne savent pas trop comment fonctionnent mon assurance, ma mutuelle, et surtout mon système de paiement. J'explique que je dois avancer l'argent puis me faire rembourser plus tard. Aucun problème, madame. Vous aurez votre argent aujourd'hui, en cash !
 Me revoici à l'accueil avec un superbe formulaire plein de kanji* à remplir. C'est là que je me dis que les 300 Euros que m'ont coûté mon dictionnaire électronique ont été l'investissement du siècle. Puis de nouveau « 少々待ちください».

Cela fait maintenant quinze minutes que je patiente devant un écran de télé. Les émissions japonaises sont pour moi (et pas que), un mystère. Pourquoi écrivent-ils toujours tout ce qu'il se dit à l'écran ? (Juste en passant, ils sont entrain de diffuser un concours de mangeurs de tartes à L.A. Précision : Les participants ont les mains attachées dans le dos. Ah, toutes mes excuses, ça vient de passer à un concours de culturisme féminin. Ah maintenant c'est la pub.)
J'ai la vague impression que je vais plutôt subir un lavage de cerveau au lieu d'une mammographie.

Les sièges autour de moi sont occupés par des postérieurs de mamies japonaises brushées, permanentées discutant à voix basse. Toutes ont déjà jeté au moins un coup d’œil à la gamine pas bridée qui parle en langage du cru avec les secrétaires médicales. Je me sens comme un clou qui dépasse, comme un peuplier au milieu d'une forêt de bouleaux,  Michael Jordan chez les Oompa Loompa. Bref je ne me sens pas très à mon aise.
Toutes les cinq minutes un haut-parleur appelle des madames Nakagawa, Takahashi, pour ne citer qu'elles, à comparaître. Petit à petit je me fonds dans le paysage de la salle tout en priant de ne pas rester assez longtemps pour faire partie des meubles.


Mes oreilles sont à l'affût et mes jambes prêtent à bondir à l'appel de mon nom. Pourtant je ne bougerai pas un orteil en entendant la voix nasillarde annoncer « Kurununsu Yugeni Richeeeee » (J'vous la fais en français: "Clémence Eugénie Rigeeeer!"). Personne ne bouge. Normal avec un nom pareil, la nana n'a pas du comprendre un traître mot ! « Kurununsu Yugeniiii Richeeeeee » Et comme ici chacune se lève à peine l'appel terminé, tout le monde regarde dans la salle afin de voir qui est le gros boulet qui ose faire répéter le médecin. Bien sûr, les regards convergent tous à un moment donné sur moi. Moi-même je me regarde. Ça ne peut pas être moi... ? On dirait un nom russe... Cela dit ça ne sonne définitivement pas japonais et s'il y en a une ici qui n'est pas japonaise, c'est bien moi. Honteuse je me lève, toujours avec les pantoufles aux pieds, et tant pis pour mon intégrité.

*Idéogrammes japonais

03/06/2014

Natation synchronisée aux portes de l'enfer (Part. II)



      A peine le ticket d'entrée payé, je remarque une chose : pas d'odeur de chlore à vous faire tomber le nez, et je dois déjà enlever mes chaussures. Une fois au vestiaire, je revis mes années de primaire. Adieu isoloirs où chacun dévoile sa nudité derrière de pudiques portes de cabines ! Ici, on peut discuter tranquille les seins à l'air avec la mamie qui squatte le casier voisin et s'essayer au séchage de cheveux naturiste.
Un coup d’œil dans le miroir pour un dernier check-up... Maillot, bonnet, lunettes de plongée...C'est bon j'ai le look.

Ayant laissé mes lunettes au casier, je me sens encore plus nue et vulnérable. Je tâtonne du regard les moindres recoins pour me diriger sans hésitation vers le bon endroit. Je trouve qu'il n'y a rien de pire que d'être perdue, au regard de tous, en bonnet de bain. Ainsi me voici dans le bassin, de l'eau jusqu'au menton, la ligne pour moi seule.
D'ailleurs, il est 18h30 et la piscine ne compte qu'une petite dizaine d'âmes. En France, je serais en pleine heure de pointe, à me prendre des coups de talons dans les côtes et me faire noyer par un rageux en brasse papillon.
Plus tard une de mes coloc' autochtone me dira avec un naturel déconcertant : « Bien sûr qu'il n'y a personne dans cette piscine ! Elle est construite sur un ancien cimetière ! Et attends de voir en Août que les portes de l'enfer s'ouvrent. Le bassin sera désert ! » Pour info, portes de l'enfer n'est pas le nom d'un bar, non, ce sont réellement les vraies portes de l'enfer * …

Pendant ce temps-là au centre-ville...

Je suis sur le qui-vive. A chaque fois qu'un surveillant s'approche du bassin, je m'arrête, le fixe de mes yeux plissés (oui, cela peut paraître hostile, mais c'est simplement pour mieux voir) et réalise qu'il ne se passera rien. Je suis une nageuse parmi d'autres et cela me réjouit.
Plus tard, quand l'hiver et le froid sibérien qui va avec se rapprocheront, et que même les kilomètres de brasse ne suffiront plus à me réchauffer, je passerai moins de temps dans le bassin pour m'adonner aux joies du... sauna.
Lieu de méditation/ stretching/ siestes et ronflements indécents... J'aurais pu rester des heures entières dans ce sauna en bois avec vue sur la piscine. Même sur les bancs bondés de japonais transpirants, je me sentais seule, dans mon cocon.
Parfois, le lundi plus précisément, on peut nager sur fond de musique classique et assister à l'entraînement de natation synchronisée. La première fois peut surprendre : On brasse tranquillement quand soudain il nous semble entendre quelques notes lyriques chaque fois que l'on ressort la tête de l'eau. « Mais oui, tout à fait.... C'est bien la musique du générique de Harry Potter, là ! »
 Et alors que notre crawl ramollissait et que nous envisagions une perspective de sauna imminente, voici qu'il nous vient un regain d'énergie, et boosté par ces soudaines envolées symphoniques, nous parvenons à tirer quelques longueurs de plus. Nager sur fond de « tadadadatadada.....doooum » est un tel plaisir que tous les mardis dans mon sac, le bentô côtoie le maillot de bain. Et si notre filet mignon (vous savez, ce muscle du bras communément appelé biceps!) commence à tirer et que la crampe pointe son nez, on peut toujours rester en marge, la tête sous l'eau pour observer les figures imposées des danseuses/nageuses.
20h15... Je sors du bassin tellement rafraîchie et revitalisée que j'en oublie parfois le sauna. La douche se fait avec le maillot de bain et l'eau passe du glacé au brûlant. Je n'ai d'ailleurs jamais su si c'était pour des questions de tonicité sanguine ou alors du à un simple dérèglement (ce qui me paraît tout de même bizarre dans un tel pays...).

Idée de sport sympa: La rando dans le brouillard**!

Dans le vestiaire des piscines japonaises existe une machine qui ferait le bonheur des télé-achats si elle était mieux exportée : L'essoreuse à maillot de bain.
Qui n'a pas eu le plaisir de retrouver son agenda trempé par un maillot imbibé de chlore parce qu'on avait encore oublié de prendre le sac à piscine ...? Avec cette mini machine à laver, on appuie 20 secondes sur le gros bouton jaune et zou. Ça tourne dedans, ça secoue dans tous les sens dans un boucan du diable, et nos affaires ressortent quasi sèches.

Le reste, vous connaissez. On s'habille, on se sèche les cheveux, on remet ses chaussures au dernier moment et on repart avec l'esprit bien plus léger, et Casse-Noisette dans la tête.

*Durant les festivités de O bon, les portes de l'enfer s'ouvrent pour permettre aux ancêtres de venir faire un tour du côté des vivants. Pour plus d'info: http://fr.wikipedia.org/wiki/O-Bon

** Pour plus d'info sur la rando de la mort dans le brouillard, jetez un œil là: http://gummysap.blogspot.fr/search?updated-max=2013-07-18T06:39:00-07:00&max-results=7&start=1&by-date=false