03/06/2014

Natation synchronisée aux portes de l'enfer (Part. II)



      A peine le ticket d'entrée payé, je remarque une chose : pas d'odeur de chlore à vous faire tomber le nez, et je dois déjà enlever mes chaussures. Une fois au vestiaire, je revis mes années de primaire. Adieu isoloirs où chacun dévoile sa nudité derrière de pudiques portes de cabines ! Ici, on peut discuter tranquille les seins à l'air avec la mamie qui squatte le casier voisin et s'essayer au séchage de cheveux naturiste.
Un coup d’œil dans le miroir pour un dernier check-up... Maillot, bonnet, lunettes de plongée...C'est bon j'ai le look.

Ayant laissé mes lunettes au casier, je me sens encore plus nue et vulnérable. Je tâtonne du regard les moindres recoins pour me diriger sans hésitation vers le bon endroit. Je trouve qu'il n'y a rien de pire que d'être perdue, au regard de tous, en bonnet de bain. Ainsi me voici dans le bassin, de l'eau jusqu'au menton, la ligne pour moi seule.
D'ailleurs, il est 18h30 et la piscine ne compte qu'une petite dizaine d'âmes. En France, je serais en pleine heure de pointe, à me prendre des coups de talons dans les côtes et me faire noyer par un rageux en brasse papillon.
Plus tard une de mes coloc' autochtone me dira avec un naturel déconcertant : « Bien sûr qu'il n'y a personne dans cette piscine ! Elle est construite sur un ancien cimetière ! Et attends de voir en Août que les portes de l'enfer s'ouvrent. Le bassin sera désert ! » Pour info, portes de l'enfer n'est pas le nom d'un bar, non, ce sont réellement les vraies portes de l'enfer * …

Pendant ce temps-là au centre-ville...

Je suis sur le qui-vive. A chaque fois qu'un surveillant s'approche du bassin, je m'arrête, le fixe de mes yeux plissés (oui, cela peut paraître hostile, mais c'est simplement pour mieux voir) et réalise qu'il ne se passera rien. Je suis une nageuse parmi d'autres et cela me réjouit.
Plus tard, quand l'hiver et le froid sibérien qui va avec se rapprocheront, et que même les kilomètres de brasse ne suffiront plus à me réchauffer, je passerai moins de temps dans le bassin pour m'adonner aux joies du... sauna.
Lieu de méditation/ stretching/ siestes et ronflements indécents... J'aurais pu rester des heures entières dans ce sauna en bois avec vue sur la piscine. Même sur les bancs bondés de japonais transpirants, je me sentais seule, dans mon cocon.
Parfois, le lundi plus précisément, on peut nager sur fond de musique classique et assister à l'entraînement de natation synchronisée. La première fois peut surprendre : On brasse tranquillement quand soudain il nous semble entendre quelques notes lyriques chaque fois que l'on ressort la tête de l'eau. « Mais oui, tout à fait.... C'est bien la musique du générique de Harry Potter, là ! »
 Et alors que notre crawl ramollissait et que nous envisagions une perspective de sauna imminente, voici qu'il nous vient un regain d'énergie, et boosté par ces soudaines envolées symphoniques, nous parvenons à tirer quelques longueurs de plus. Nager sur fond de « tadadadatadada.....doooum » est un tel plaisir que tous les mardis dans mon sac, le bentô côtoie le maillot de bain. Et si notre filet mignon (vous savez, ce muscle du bras communément appelé biceps!) commence à tirer et que la crampe pointe son nez, on peut toujours rester en marge, la tête sous l'eau pour observer les figures imposées des danseuses/nageuses.
20h15... Je sors du bassin tellement rafraîchie et revitalisée que j'en oublie parfois le sauna. La douche se fait avec le maillot de bain et l'eau passe du glacé au brûlant. Je n'ai d'ailleurs jamais su si c'était pour des questions de tonicité sanguine ou alors du à un simple dérèglement (ce qui me paraît tout de même bizarre dans un tel pays...).

Idée de sport sympa: La rando dans le brouillard**!

Dans le vestiaire des piscines japonaises existe une machine qui ferait le bonheur des télé-achats si elle était mieux exportée : L'essoreuse à maillot de bain.
Qui n'a pas eu le plaisir de retrouver son agenda trempé par un maillot imbibé de chlore parce qu'on avait encore oublié de prendre le sac à piscine ...? Avec cette mini machine à laver, on appuie 20 secondes sur le gros bouton jaune et zou. Ça tourne dedans, ça secoue dans tous les sens dans un boucan du diable, et nos affaires ressortent quasi sèches.

Le reste, vous connaissez. On s'habille, on se sèche les cheveux, on remet ses chaussures au dernier moment et on repart avec l'esprit bien plus léger, et Casse-Noisette dans la tête.

*Durant les festivités de O bon, les portes de l'enfer s'ouvrent pour permettre aux ancêtres de venir faire un tour du côté des vivants. Pour plus d'info: http://fr.wikipedia.org/wiki/O-Bon

** Pour plus d'info sur la rando de la mort dans le brouillard, jetez un œil là: http://gummysap.blogspot.fr/search?updated-max=2013-07-18T06:39:00-07:00&max-results=7&start=1&by-date=false