01/03/2014

Pourquoi faut-il mentir à la poste japonaise? (Part. II)



A la pointe de Rebun

 « -De quelle fleur sont les graines ? (je vous le fais en français directement.)
  -Pa...pardon ?
  -Ce sont les graines de quelle fleur ? » me demande-t-elle le plus sérieusement du monde. Son sourire ayant disparu, je me dis que l'heure est grave.
  Je bafouille que ce sont des graines achetées sur l'île de Rebun, et donc de fleurs assez rares. Mais je suis navrée mademoiselle, je ne connais pas le nom exacte.

 Froncement intense de sourcils. La queue de cheval ne va pas tarder à lâcher, je le sens.
Elle repart dans le fond du bureau, ouvre une porte dérobée (moment magique de l'histoire) et réapparaît cinq minutes plus tard. L'heure tourne, je recommence bientôt le boulot.

« -Excusez-nous pour ce dérangement, mais je voulais m'assurer que tout était en règle. Voici une lettre d'autorisation manuscrite de notre directeur général (et horticulteur par la même occasion) attestant que vos graines sont inoffensives. Quant aux mochi, vous n'avez qu'à les rayer de la liste et nous les passerons. Voilà cela vous fera 3700 yens.»
Classe, non ? J'aurais tellement aimé qu'il en soit ainsi.

Panel de fleurs de Rebun...

En réalité ce fut plutôt :
La demoiselle passe de mon côté du guichet et de suite je me dis que ce n'est pas bon.
« - Reconnaissez-vous la fleur ? » me dit-elle en me mettant sous les yeux deux pages pleines de photos de fleurs de l'île de Rebun. Il y en avait pour tous les goûts : violettes, roses, jaunes, belles, moches, déchiquetées, avec des feuilles, sans feuilles.... Et peut-être les miennes. Le souci est que je n'avais aucune idée ni du nom ni de l'allure de la fleur qu'allaient engendrer ces fichues graines ! Je les avais achetées dans une bicoque pleine de souvenirs et les avais emballées directement. La stupéfaction ne laissa pas de place à l'improvisation (oui, j'aurais très bien pu mentir!) et je perdis de mon amabilité.
« -Vous êtes sérieuse ?
   -Reconnaissez-vous la fleur parmi celles-ci ? Répète-t-elle, impassible. Je la soupçonne même d'avoir changé de coiffure pour se durcir les traits.
  -Non, je n'en sais rien. Et puis maintenant je n'ai plus le temps car je dois reprendre le travail. Merci, au revoir. »

Oui ça s'est finit ainsi. Je suis sortie sans me retourner, mon colis sous le bras. Nous nous sommes séparées après (je regarde l'heure) 45 minutes de conversation et d'échanges de regards, le tout sur une palette d'émotions variées.
Dehors j'ai quand même ri. Et le naturel français est revenu au galop : je l'enverrai depuis un autre bureau et je mentirai sur l'étiquette. C'est dit.


Toujours Rebun